De Paris à Lisbonne en train (et inversement)

Il n’existe plus de liaison directe entre la France et le Portugal en train. Le train de nuit Sud Expresso a cessé de partir d’Hendaye au moment du COVID. Nous allons quand même essayer de pratiquer cette liaison avec les trains encore en circulation. Cet itinéraire pourrait aussi s’appeler : comment aller de la Gare Montparnasse à la Gare de Lyon via Lisbonne, puisqu’avec ce léger détour on passe d’une gare à l’autre en à-peu-près cinq jours, mais sans emprunter la ligne 6 ou le bus 91.

Crédits du fond de carte : Eurail

L’itinéraire teste en effet plusieurs variantes. À l’aller, le passage de la frontière espagnole se fera au niveau de Hendaye / Irun, et la frontière portugaise via Badajoz (à l’ouest de Lisbonne). Au retour, itinéraire différent en quittant le Portugal par le nord (Vigo) puis on finira avec un TGV INOUI Barcelone-Paris via Figueras / Perpignan.

Jour 1 (aller) : de Paris à Madrid

Hendaye/Irun

À l’arrivée du 1er TGV Paris – Hendaye

La 1ère étape du trajet consiste à rejoindre l’Espagne via Hendaye. Le 1er TGV partant de Paris Montparnasse permet d’arriver un peu avant midi et d’attraper le Topo pour Irun ou San Sebastian, d’où partent des liaisons RENFE grandes lignes vers Madrid. La liaison transfrontalière en Topo depuis Hendaye a déjà été documentée ici. Pour se rendre de Hendaye à la gare d’Irun, il suffit donc d’emprunter le Topo jusqu’à Irun Ficoba (5min de trajet) puis de marcher une dizaine de minutes.

Il existe justement un départ à 14h37 d’Irun, permettant de déjeuner tranquillement le temps de la correspondance puis faisant arriver dans la soirée à Madrid. Le train est un Intercités vendu de bout en bout Irun > Madrid, bien qu’entre Irun et San Sebastian il soit assuré en train de banlieue Cercanias (concrètement : vous montez dans le RER qui part d’Irun à l’horaire vendu virtuellement en tant qu’Intercity sur votre billet, puis vous descendez à San Sebastian où une correspondance a lieu dans la foulée sur votre vrai train pour Madrid).

San Sebastian Donostia

En gare de San Sebastian Donostia, l’IC 4276 s’apprête à rallier Madrid en 5h36

La gare principale de San Sebastian est en travaux et ne dispose en ce moment que de deux quais. Juste après la desserte de notre RER Irun > Brinkola labellisé “Intercity”, et retardé de 10 minutes, le vrai Intercités pour Madrid entre sur le même quai. L’information n’est pas évidente. Nous avons là quelques minutes cruciales pendant lesquelles il ne faut pas se tromper en restant ou en embarquant dans le mauvais RER/Intercités, au risque donc de modifier ses plans pour le reste de la journée.

A bord de ce train San Sebastian > Madrid, un trolley propose une restauration à la place (café, snacks). Pas de wifi. L’intercités conserve le retard qu’il a accumulé au départ de San Sebastian tout au long de son trajet. Un peu avant Madrid, le conducteur passe avec humour une annonce aérienne dans le micro “Crew, prepare for take-off” avant d’aborder la dernière accélération à pleine vitesse ce qui permet de rattraper quelques minutes de marge. Ce train est en effet habilité à circuler sur la ligne classique au départ, puis sur LGV entre Valladoid et Madrid.

Madrid / Talavera de la Reina

Cette première journée de voyage nous fait arriver à Madrid. Je prolonge un peu le trajet en train régional jusqu’à Talavera de la Reina, une ville à 1h30 au sud-ouest de Madrid, ce qui avance un peu sur le reste du trajet prévu le lendemain vers Badajoz. La raison : l’Intercités du lendemain est complet au départ de Madrid (mais le train se désemplit un peu aux stations suivantes et il reste donc des places au départ de Talavera de la Reina) et les hôtels y sont moins chers pour y passer juste la soirée.

Dans le dernier train régional qui relie Madrid à Talavera de la Reina

Jour 2 (aller) : de Madrid à Lisbonne

Pour ce deuxième jour, c’est l’Intercity 190 qui nous emmène de Madrid (et/ou de Talavera de la Reina) jusqu’à la frontière avec le Portugal. On prend place dans une rame Talgo à un niveau tractée par deux imposantes locomotives diesel pour s’acheminer tranquillement vers Badajoz.

L’Intercity 190 Madrid – Badajoz arrive en gare de Talavera de la Reina

A bord, on passe le temps à la voiture bar (un trolley passe également dans les wagons), ou avec les écrans dynamiques qui diffusent “Bienvenue chez les Chtis” sous-titré en Espagnol (des écouteurs sont à disposition au bar du train pour les brancher sur son siège et suivre les programmes diffusés sur les télés du train). En gare de Merida, les deux locomotives sont détachées puis raccordées à l’autre côté du train, de façon à permettre à celui-ci de rebrousser dans l’autre sens jusqu’à son terminus, Badajoz.

Badajoz

La gare de Badajoz est l’un des trois points frontières ferroviaires entre l’Espagne et le Portugal. Un petit autorail de la compagnie nationale Combios de Portugal y part une petite heure plus tard, d’une voie située à l’extrémité de la gare.

À Badajoz, le train régional CP vers Entroncamento de 14h09, avec à sa gauche l’Intercity Renfe en provenance de Madrid

La correspondance sur ce petit train aux couleurs flashy, presque “mignon”, étonne lorsqu’on se dit qu’on se situe sur un corridor ferroviaire entre les principales villes de l’Espagne et du Portugal, lequel était auparavant desservi par le train de nuit direct. La petite capacité de ce train et la faible fréquence des départs (2 ou 3 départs quotidiens depuis Badajoz) produit aussi un effet “entonnoir” rassemblant dans ce petit habitacle une bonne partie de tous les voyageurs qui effectuent le trajet Espagne > Portugal par rail ce jour.

Le train est en effet à peu près rempli à moitié par des voyageurs Interrail venant de toute l’Europe avec d’imposants sacs à dos. Son contrôleur, après avoir fait partir le train non sans mal (l’une des portes n’acceptant de se bloquer qu’après lui avoir asséné quelques coups) semble habitué et pas plus impressionné que ça de voir la série de pass européens à contrôler. Quelques locaux montent aux gares intermédiaires et achètent leur billet directement à bord. Avec le décalage horaire, le train remonte le temps car il part à 14h09 de Badajoz et dessert sa prochaine gare, Elvas, de l’autre côté de la frontière à 13h24.

Entroncamento

Le terminus du train régional, Entroncamento, est situé sur la ligne Lisbonne – Porto et permet donc facilement de regagner sa destination au Portugal.

L’Intercités en correspondance vers Lisbonne est supprimé. Au Portugal, contrairement aux écrans d’affichage en gare, les applications d’information voyageurs ne sont pas mises à jour si bien que l’application CP indique toujours le départ du train en question. Celui-ci a été supprimé en raison d’une grève, mais il existe en report des départs fréquents vers Lisbonne, en train régional ou en Intercités.

Lisbonne

Vue des Intercités en gare de Lisbonne Santa Apolonia

L’arrivée à Lisbonne se fait donc au terme d’un périple de deux jours, pas le plus évident en comparaison avec l’avion. Au-delà de sa durée, cette liaison internationale appauvrie depuis la fin du train de nuit n’est pas celle qui s’impose le plus facilement car elle combine de nombreuses correspondances et plusieurs opérateurs ferroviaires : le plus simple pour s’y retrouver étant d’utiliser l’excellente appli Rail Planner, Rome2Rio ou Omio

Près de Lisbonne, parmi tout ce qu’à à offrir la région, on en profite pour manger à Crepusculo, une excellente crêperie tenue par deux anciens cheminots français partis monter ce beau projet toujours face à l’Atlantique.

L’équipe de Crepusculo

Jour 3 (retour) : de Lisbonne à Porto

Trajet en train dans l’autre sens, en essayant de ne pas repartir sur les mêmes itinéraires. Un autre passage de la frontière Portugal > Espagne se situe entre Porto et Vigo, au nord du pays. Pour cela, on se rend de Lisbonne à Porto sur la principale liaison Nord / Sud du Pays. Sur cet itinéraire, il est possible d’emprunter des trains Intercités qui ressemblent aux trains “Corail” en France et font le trajet en 3h20.

La voiture bar dans l’IC Lisbonne > Porto

Ces trains disposent d’un Wifi qui marche plus ou moins bien et d’une charmante voiture bar très rétro avec ses banquettes et ses chaises surélevées qui permettent de voir défiler le paysage, notamment sur la dernière partie du trajet lorsque le train approche Porto et longe l’océan Atlantique.

Et sur cette même ligne Nord / Sud, des trains “Alfa Pendular” circulent également. Assurés avec des rames Fiat Pendolino, ils peuvent négocier plus rapidement dans les virages grâce à l’inclinaison propre à ce matériel qui absorbe les courbes. Le trajet s’effectue en 3h soit 20 minutes de gagnées par rapport à l’Intercités.

L’Alfa Pendular pour Porto et Braga arrive en gare d’Aveiro

Ce train, le “TGV” du Portugal, est moderne et confortable. Entre Lisbonne et Porto, il est pourquoi pas possible de tester les deux types de trains en commençant par l’IC puis en attrapant l’Alfa Pendular qui arrive juste derrière en faisant le changement dans l’une des gares intermédiaires. À Porto, vous arrivez à la gare de Campanha, dans les hauteurs de la ville. En descendant un peu, vous pouvez traverser le pont Dom-Luís qui offre de très beaux points de vue sur la ville.

Jour 4 (retour) : de Porto à Barcelone

C’est ce quatrième jour va nous faire engranger le plus de kilomètres, avec deux trains régionaux de Porto à Pontevedra, puis deux TGV jusqu’à Madrid et Barcelone.

Porto

Le train régional de 8h13 pour Vigo-Guixar

La frontière sera franchie par un train régional de Porto jusqu’à Vigo-Guixar. Passée la frontière Espagnole, une relève de l’équipage intervient et le contrôleur portugais passe le relai à un collègue espagnol. Arrivé à Vigo, il est possible de prendre un train pour Madrid depuis l’autre gare de Vigo (Urzáiz) un peu plus loin du centre-ville, ou d’attraper ce même train à Pontevedra après s’y être rendu en train régional.

Au passage à nouveau de la frontière, on remarquera d’ailleurs une particularité des trains espagnols qui proposent dans leur grande majorité une offre de restauration à bord. En effet, la quasi totalité des trains longue distance disposent d’une voiture bar et d’un service trolley. Et même un simple train régional tri-caisses emprunté entre Vigo et Pontevedra embarque des distributeurs automatiques. Dans les voitures bar, les cafés sont très bons, par contre l’offre de restauration pour déjeuner ou dîner est très légère et se résume hélas à quelques sandwichs ou nouilles instantanées. Sur les trains AVE, il est possible de commander une vraie box repas à l’avance (en supplément).

Pontevedra

L’Alvia 4354 pour Madrid arrive à Pontevedra

À Pontevedra, le train Alvia pour Madrid embarque ses passagers qui ont été au préalable embarqués et filtrés. Sur les trains à grande vitesse en Espagne, il est nécessaire de passer ses bagages dans un filtre à rayons X, comparable aux procédures dans l’aérien sans que cela soit aussi long et précis (pas la peine de déballer toutes ses affaires avant de passer). Cela fait suite aux attentats de 2004.

On passe dans le Cambiador de Taboadela qui va réduire l’écartement des essieux du train

Le train Alvia circule sur ligne classique à écartement Ibérique (1,668 mètres entre les deux rails) sur la 1ère partie de son trajet. Puis arrivé près d’Orense, il passe dans un “Cambiador” qui va réduire l’écartement de ses essieux pour rentrer sur la LGV qui a un écartement de rails standard de 1,435 mètres.

Madrid

L’Alvia nous dépose à Madrid-Chamartín, et l’AVE pour Barcelone part quant à lui de Madrid-Atocha. Pour changer de gare, le plus simple est d’emprunter l’une des lignes de Cercanias qui relient les deux gares.

Sur votre billet de train longue distance RENFE, vous aurez dans doute la mention de billet “Combiné” (combinado). Avec votre billet, vous pouvez en effet emprunter les trains de banlieue de votre ville d’arrivée, ce qui est bien pratique notamment pour changer de gare à Madrid sans avoir à acheter de billet.

Notre AVE pour Barcelone est juste à côté d’un Iryo qui part 25 minutes plus tôt dans la même direction

En Espagne, trois opérateurs à grande vitesse se partagent le marché :

  • Renfe, l’opérateur historique avec les AVE et le low-cost Avlo,
  • Iryo qui fait circuler les frecciarossa de trenitalia sur un segment premium concurrençant directement le concept de l’AVE
  • Et Ouigo (SNCF) qui propose une offre low-cost

Les gares gérées par ADIF (équivalent de SNCF Réseau en France – le gestionnaire public des infrastructures ferroviaires) se sont adaptées à cette diversité d’opérateurs et ressemblent à des aéroports, avec un filtrage commun, des infrastructures partagées (affichage, bornes dédiées à l’embarquement), qu’investissent les différents opérateurs.

Intérieur de la 1ère classe – voiture 1 sur Renfe AVE

Dans tous les cas, le produit AVE proposé par Renfe avec ses rames Siemens entre Madrid et Barcelone est très qualitatif. En 1ère classe, les clients qui ont sélectionné le tarif premium sont assis sur les mêmes sièges mais se voient en plus proposer un service à la place très attentionné avec un repas complet. Les nombreux passages des trolleys dédiés à ce service et l’odeur des plats confectionnés par le chef Ramon Freixa ont de quoi faire jalouser les autres passagers, voire même tendent à en dégrader l’expérience, laquelle reste globalement très bonne.

L’AVE arrive à Barcelona-Sants avant de continuer pour sa part vers Figueras.

Jour 5 (retour) : de Barcelone à Paris en TGV INOUI

Dernière étape de ce périple, en se rapatriant à Paris Gare de Lyon avec le TGV direct : un trajet de 6h46.

Barcelone

Embarquement du TGV à Barcelona-Sants

Après avoir été doublement embarqué (scan des bagages puis embarquement avec vérification des billets), le TGV Duplex entame son trajet direct, d’abord via Figueras / Perpignan. Entre Perpignan et Sète, la ligne longe la Méditerranée avec de très beaux points de vue. Puis le TGV remonte vers Paris via la LGV Méditerranée. Cette liaison précédemment effectuée en coopération Renfe/SNCF voit chaque opérateur se lancer de son côté, avec la Renfe qui prévoit de lancer des liaisons vers Marseille et Lyon à l’été 2023.

À bord du TGV, les annonces sont passées en français, en espagnol et et même en anglais. À la carte du bar TGV, des produits spécifiques à la liaison Paris <> Barcelone sont proposés.

Le TGV arrive à Paris Gare de Lyon ce qui met un terme à cet itinéraire impressionnant.

Conclusion

Cet itinéraire est assez original, une idée pouvant être de le prévoir sur un peu plus de temps de façon à pouvoir faire des pauses plus longues dans les différentes villes traversées. Un pass Interrail cinq jours (entre 220€ et 370€ en fonction de la classe et de votre âge) peut couvrir la plupart des frais de transport.

Sans liaison ferroviaire directe, ce trajet vers le Portugal bien que plus écologique reste quand même pour beaucoup moins pratique que l’avion. Notamment en faisant l’aller ET le retour en train, mis à part pour les fans de train et/ou d’Interrail. Mais si vous êtes arrivé(e) au bout de ce long article, c’est que c’est sans doute votre cas !

Mes tops sur ce trajet :

  • Train préféré : l’intercités Madrid – Badajoz pour son ambiance traversée du désert
  • Les meilleures spécialités : les crêpes de Crepusculo près de Lisbonne, ou pour une spécialité plus locale : les rissois, beignets portugais frits
  • Meilleure spécialité en voiture bar : bien que nombreuses sur le trajet, les voitures bar proposaient peu de produits qualitatifs en Espagne ou au Portugal, à l’exception du menu espagnol (tortilla / crème catalane) sur le TGV Barcelone > Paris, simple mais avec de bons produits
  • Train le plus confortable : l’AVE Siemens entre Madrid et Barcelone, suivi par l’Alfa Pendular entre Lisbonne et Porto
  • Plus belle ville visitée : Porto et le pont Dom-Luís
  • Plus belle gare : Lisboa Santa Apolónia et sa façade rouge
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