Le Golden Pass Express est un train particulier en Suisse, commercialisé par l’opérateur MOB. À la fois train régional (comme les TER en France) et train touristique, son parcours relie Montreux à Interlaken depuis décembre 2022. Il a été sacré “train le plus luxueux du monde” par le magazine National Geographic, notamment en raison de sa classe “prestige” : comme ses cousins suisses le Glacier Express ou le Bernina Express, il propose en effet une expérience de voyage cinq étoiles et traverse de magnifiques paysages.
Mais le Golden Pass Express est également une prouesse technique récemment achevée. La liaison directe entre Montreux et Interlaken a été en projet pendant de nombreuses années mais s’est toujours heurtée à des obstacles techniques. Jusqu’ici, il fallait changer de train à mi-parcours pour des questions de compatibilité avec le réseau. Mais le matériel original conçu par le Suisse Stadler a finalement pu s’affranchir de ces contraintes pour proposer une liaison de bout en bout et permettant de profiter jusqu’au dernier kilomètre de cette expérience.
Se rendre à Montreux depuis Genève
Comme son nom l’indique, la compagnie MOB (Montreux Oberland Bernois) opère depuis la ville de Montreux dans le canton de Vaud : c’est d’ici que nous prendrons le Golden Pass Express.
Pour rejoindre la suisse depuis la France et notamment depuis Paris, Lyon… la ville de Genève est une option plutôt bien desservie par les TGV Lyria et les TER. Depuis Genève, on longe ensuite le magnifique Lac Léman pour se rendre à Montreux avec un train CFF (la compagnie nationale suisse) : 1h de train avec des vues époustouflantes. D’ailleurs en voyageant pendant l’heure du repas en Intercités, il peut être intéressant de réserver une place dans la voiture restaurant, le service à bord des trains suisses étant remarquable bien qu’onéreux.
Départ du Golden Pass Express à Montreux
En gare de Montreux, on retrouve les départs des trains MOB : la compagnie opère à la fois des trains régionaux, et des trains panoramiques. C’est le cas du Golden Pass Express que nous allons emprunter, mais aussi d’autres trains spéciaux “Golden pass” comme le Golden Pass Panoramic doté de grandes fenêtres et de places à l’avant du train permettant de voir directement les voies, la cabine de conduite étant située en hauteur. Ou le Golden Pass “la belle époque”, avec des voitures anciennes.
Le réseau est par ailleurs jumelé avec le Nankai Electric Railway au japon, un autre réseau iconique.
Le Golden Pass Express, dont la livrée extérieure a été conçue par Pininfarina, est mis à quai environ un quart d’heure avant le départ de 12h35. Quatre rames dédiées à ce service ont été livrées en décembre 2022.
La classe prestige
Trois classes sont proposées à bord du Golden Pass Express :
- La 2nde classe, avec 4 sièges par rangée
- La 1ère classe, avec 3 sièges par rangée (configuration en 2+1)
- Et enfin, la classe prestige : un compartiment spécial avec uniquement 9 sièges (2+1) tout confort. C’est cette classe que nous essayons ici.
Le trajet en classe prestige, qu’il est possible d’acheter sur le site de la compagnie, coûte près de 130 CHF (francs suisses), soit environ 140€… mais si vous avez un pass Interrail 1ère classe en cours de validité, vous n’aurez qu’à vous acquitter de la réservation de siège, soit 20 CHF de réservation en 1ère et un supplément de 15CHF pour la place prestige, qui revient donc à 35 CHF (40€) : le deal est excellent, et c’est le train le plus luxueux que vous pourrez emprunter avec votre Interrail 1ère classe.
Lors de la réservation en classe prestige, les sièges peuvent être choisis sur le plan du train.
Située à l’extrémité du train, la classe prestige est isolée du reste de la salle par une porte coulissante. La première chose que l’on remarque est le confort des sièges, spacieux et en cuir couleur crème. La salle est légèrement surélevée par rapport au reste du train, ce qui permet aux passagers assis dans les confortables sièges de profiter d’une vue au plus proche des larges fenêtres.
Le siège prestige en lui-même est particulièrement confortable : tous les sièges peuvent être orientés dans un sens choisi, afin d’être dans le sens de la marche à coup sûr, ou pour créer un espace fait de plusieurs sièges face à face. Les sièges sont chauffants, avec la température qui peut être ajustée. Enfin l’assise est entièrement réglable, il est notamment possible de déployer un repose pieds pour être en position semi-allongée.
Départ et trajet sur le réseau MOB
Le Golden Pass Express se met en route et entame rapidement une pente raide pour monter vers Montbovon (le train y annonce une correspondance pour Gruyères : nous sommes bien en Suisse !). A cette occasion, on profite de vues sur le Lac Léman avant de s’en éloigner à mesure que le train continue son parcours dans les Alpes. Nous sommes en automne et classe prestige n’est pas très remplie. On peut imaginer qu’en hiver, avec les paysages enneigés et la desserte des stations de ski, le train soit nettement plus fréquenté.
Le service à bord et le contrôle débutent également après le départ. Un service de restauration à la place est proposé, il est d’ailleurs possible de réserver son menu lors de la réservation ce qui permet d’être servis sans attendre. Contrairement aux trains CFF qui excellent avec leur voiture restaurant, la carte du Golden Pass Express est légère et reste limitée à des boissons, et quelques snacks comme des planches de charcuterie / fromages locaux. L’option la plus onéreuse étant un menu de champagne avec du caviar, celui-ci atteint presque le prix du billet initial en classe prestige.
Dans cette même classe la restauration n’est d’ailleurs pas incluse dans le prix du billet, là où ce service est compris en business et/ou 1ère (par exemple sur Eurostar, AVE Renfe, Trenitalia…) avec un service au trolley proposant des oshiboris (petites serviettes chaudes), boissons, repas en fonction de l’heure, comme dans l’aérien. C’est peut-être ce qui manque à la classe prestige du Golden Pass Express pour être parfaite !
La vitesse reste modérée, limitée à 100 km/h sur l’ensemble du parcours.
En s’éloignant de Montreux, on dessert des stations de ski, pas dans leur pleine saison au cours de ce mois d’octobre. Les paysages se font plus montagneux, les vallées vertes et le ciel bleu ont des couleurs parfaites qui rappellent entre autres… le fond d’écran de windows XP, une jolie photo prise en Californie ?
Changement de réseau, mais pas de train, pour finir le parcours
La Suisse est composée de plusieurs réseaux ferrés : celui des CFF (compagnie nationale), qui exploitent 60% du réseau ferré helvète, mais également d’autres opérateurs comme MOB qui opère notre Golden Pass Express et qui exploite le réseau au départ de Montreux.
Mais arrivé à mi-parcours, le train s’engage sur un autre réseau, celui des BLS (Berne-Lötschberg-Simplon, une entreprise principalement détenue par le canton de Berne qui en est l’actionnaire principal). La gare de Zweisimmen marque en effet la frontière entre MOB et BLS. Certes, les différents réseaux suisses sont inter-opérables d’un point de vue commercial (cadencement horaire, tarification…) grâce à une loi de cadrage nationale qui les unifie. Mais d’un point de vue technique, c’est autre chose : les réseaux MOB et BLS n’ont pas les mêmes écartements de rails, la même hauteur de quais ou encore le même courant électrique.
Pour autant, et c’est l’une des particularités techniques du Golden Pass Express, il n’y a pas de rupture de charge à Zweisimmen : on reste assis confortablement en attendant que les adaptations et la relève d’équipage aient lieu, le tout pour une durée inférieure à 10 minutes.
Comme pour les trains Alvia en Espagne, les essieux sont adaptés au nouvel écartement des rails : ils s’écartent pour passer de la voie métrique (1m) du réseau MOB à l’écartement standard (1,435m, comme en France) du réseau BLS. C’est bien le matériel qui s’adapte, et non l’infrastructure : un projet de faire cohabiter les deux écartements, en créant un troisième rail, était souvent revenu pour permettre une liaison directe, mais s’est avéré trop complexe à mettre en œuvre.
Dans le même temps, la caisse du train se surélève de 20cm pour correspondre à la hauteur des quais du réseau BLS. Le fait que le train change à la fois d’écartement d’essieux et de hauteur de caisse est une innovation qui rend aussi ce train unique.
Enfin, concernant l’alimentation électrique, la locomotive MOB qui tirait le train en 900V courant continu se détache de l’avant de celui-ci. À l’arrière, une locomotive des BLS vient se raccorder cette fois-ci pour pousser le train avec une alimentation en 15KV 16.7Hz courant alternatif.
Ces opérations d’adaptations d’un réseau à l’autre ont donc lieu dans les deux sens, à la fois grâce à la coopération entre les réseaux MOB et BLS, mais aussi grâce à ce matériel conçu par le constructeur Suisse Stadler adaptable aux deux réseaux. Cela permet aux passagers de rester dans le même train, là où jusque récemment, une correspondance était nécessaire. Malgré tout, celle-ci a du être rétablie temporairement à plusieurs reprises en raison de problèmes techniques.
Accessoirement, ce nouvel emplacement pour la locomotive vient libérer la vue pour la classe prestige en tête de train. Ces sièges bénéficient d’une vue dégagée grâce aux vitres qui donnent directement sur la cabine de conduite et non plus sur la locomotive qui tirait le train, la nouvelle étant positionnée à l’arrière. La classe prestige devient donc encore plus prestigieuse !
Le parcours sur le réseau des BLS se fait sur un relief relativement plat en vallée, jusqu’à la gare de Spiez où le train s’insère sur la ligne qui longe le lac de Thoune. La circulation ferroviaire y est plus dense, les paysages sont différents de ceux empruntés jusqu’ici, mais tout autant remarquables.
Il s’agit de la fin du parcours de 3 heures 15, à l’approche d’Interlaken le terminus, la ville étant située entre le lac de Thoune et le lac de Brienz.
Depuis Interlaken, il est possible de se rendre jusqu’à Berne, puis retourner en France via Genève, ou Bâle / Mulhouse. Le Golden Pass Express quant à lui, s’apprête à revenir vers Montreux.
En synthèse
Le Golden Pass Express est donc un train particulier en raison de son confort mais aussi de son inter-opérabilité entre les deux réseaux : tous les amateurs y trouveront leur compte ! Pour la suite, l’un des défis auxquels doit se confronter le Golden Pass Express est la desserte jusqu’à Lucerne, après Interlaken. En projet, l’emprunt de cette ligne nécessitera toutefois un matériel compatible avec la voie à crémaillère, un autre sujet…
Pour aller plus loin :
- Le blog de Daniel Mange, qui revient sur les questions de compatibilité entre les réseaux suisses. Cet article revient notamment sur le troisième rail et l’histoire de cette idée.
- La Suisse, un Modèle à suivre ? Sur la chaîne YouTube aiguillages, qui revient sur l’organisation du réseau ferré suisse.
Super article ! Merci