Je vous partage dans cet article le trajet que j’ai pu effectuer entre Paris et La Valette (Malte), en utilisant uniquement le train et le bateau. Il se décompose en trois étapes : le trajet en Italie en TGV, un train de nuit jusqu’à la Sicile, puis un trajet en ferry jusqu’à Malte.
Il ne s’agit évidemment ni de l’option la plus rapide ni la plus économique : il faut se dire que le trajet fait en quelque sorte partie du voyage, celui-ci comportant d’ailleurs plusieurs étapes assez mémorables.
Pour aller en Sicile, le trajet rejoint donc en partie la traversée du détroit de Messine que je vous avais racontée ici, je risque donc de me répéter un peu – quatre ans après tout de même !
2000
km
3
Jours de voyage
6
Modes de transport : 5 trains et 1 bateau
Jour 1 : Paris > Milan
Départ en TGV INOUI France – Italie depuis Gare de Lyon jusqu’à Milan. Le trajet dure 7 heures en TGV direct, et il y a 3 à 4 départs par jour.
Le départ de midi laisse le temps de prendre un croque-monsieur chez croq’michel, l’enseigne créée par Michel Sarran, qui après avoir signé la carte du bar TGV propose désormais cette offre assez sympa en Gare de Lyon (menu à moins de 10€).
Le trajet jusqu’à Milan emprunte la ligne à Grande Vitesse au départ de Paris, puis le TGV passe en ligne classique vers les Alpes. Entre Chambéry et Turin, on profite du paysage montagneux depuis les fenêtres de ce TGV à un niveau. L’arrêt à Modane est prévu avec une marge un peu plus importante et permet de se dégourdir un peu les jambes, le temps du changement d’équipage avant de franchir le tunnel du Fréjus à la frontière italienne. Vers Paris, cet arrêt à Modane est régulièrement prolongé le temps de contrôles douaniers.
Covid & frontières
Il se produit ensuite une particularité propre aux trains internationaux en période de pandémie. Le port du masque, qui jusqu’ici n’était pas nécessaire sur le territoire français, devient obligatoire à bord du train dès lors que nous passons la frontière italienne. Les normes COVID italiennes en septembre 2022 requièrent le port d’un masque de type FFP2, et des exemplaires sont en vente au bar pour les passagers qui en seraient dépourvus. On passe donc de “pas de masques” aux FFP2 les plus filtrants, et la règle n’est que moyennement suivie à bord.
Également une fois passée la frontière, en 1ère classe, une collation à la place est proposée aux passagers. La voiture bar du train ferme en effet entre Modane et Turin pour permettre au personnel de restauration de passer dans les voitures avec un trolley. Cette collation semble devenir un standard pour les transporteurs historiques avec l’arrivée de la concurrence apportée par Trenitalia, qui propose ce service à la place dans deux de ses quatre classes.
À bord des TGV France-Italie, il ne faut pas s’attendre à un repas ou à un snack complet, en l’espèce il s’agit d’une boisson chaude/froide au choix avec des biscuits. Mais le service est appréciable et vient marquer le coup sur un long trajet. Cela permet aussi dans une certaine mesure de mettre en avant le service de restauration à bord. Pour les amateurs : à noter que l’expresso est presque un “vrai” expresso, en tout cas fait avec la même machine à capsules que la voiture bar, plutôt qu’un café au thermos sans pression voire lyophilisé comme c’est parfois proposé dans les services au trolley (ce qui serait un comble pour un TGV vers l’Italie).
L’arrivée à Milan se fait sans encombre, et nous y passons la nuit.
Jour 2 : Milan > Rome
Il existe différents trains de nuit pour regagner la Sicile depuis l’Italie continentale, avec des départs de Gênes, Milan, Rome, Naples… le nôtre partant de Rome, nous nous y rendons dans la journée depuis Milan avec un TGV de la compagnie NTV. Il s’agit des premiers TGV privés à opérer en Europe en profitant de l’ouverture à la concurrence des marchés ferroviaires, face à l’entreprise d’état Trenitalia.
Parmi les quatre classes, j’ai pris un trajet en classe “prima” : équivalente à la première classe en France avec une configuration de sièges en 3+1 en cuir, et une petite collation qui est servie pendant le trajet. Les sièges sont confortables avec une prise électrique par passager.
Au cours du trajet qui fait la même durée qu’un Paris – Marseille, le trolley passe, il s’agit d’une prestation comparable au TGV France-Italie : boisson + friandise. C’est un détail, mais on note que le prosecco qui était alors proposé au trolley en classe Prima, donnant un aspect “premium” à cette classe de service, ne semble désormais plus faire partie de l’offre (seuls des softs / boissons chaudes sont proposés).
Des distributeurs automatiques sont aussi à disposition. Il n’y a donc pas de voiture bar, mais à la place ce petit espace en libre-service qui occupe une partie de voiture. Il s’agit sans doute d’un modèle plus rentable pour l’opérateur (notamment grâce aux sièges supplémentaires créés à la place du bar) et adopté également par Thalys dans ses nouvelles rames “Ruby”.
Nous arrivons en gare de Roma Termini à côté d’un TGV Frecciarossa (Trenitalia). Fin de la grande vitesse également pour ce voyage, l’ensemble des trains à venir circulant sur ligne classique.
Rome > Sicile en train de nuit
La partie la plus remarquable du trajet reste bien entendu la traversée du détroit de Messine avec l’Intercitynotte que j’avais emprunté jusqu’à Palerme en 2018. Cette traversée se fait sans rupture de charge à l’aide de ferries traversiers sur lesquels embarquent les voitures des trains.
Cette fois-ci mon train est en direction de Syracuse, au sud de la Sicile – cela nous rapproche davantage de Malte. Deux trains de nuit partent de Rome le soir, un premier départ vers 21h45 puis un second départ vers 23h. Justement, le départ de 21h45 est retardé de près d’une heure ce qui annonce potentiellement un “embouteillage” le lendemain matin au moment d’embarquer sur les ferries de Villa San Giovanni à Messine.
La rame de l’Intercitynotte de 23h est mise à quai une petite demi-heure avant le départ. Différents types de cabines sont proposées, allant des couchettes de 6 personnes à la cabine privative avec douche (excelsior). Le train est complet, nous sommes en effet un vendredi soir à la veille d’un week-end d’élections en Italie.
Dans les cabines pour deux personnes (lits superposés – 1ère classe), des kits de bienvenue sont proposés. Le kit “féminin”, à gauche, est d’ailleurs plus intéressant avec une trousse en tissu réutilisable.
Notre train part à l’heure après la distribution des kits de bienvenue, bouteilles d’eau, et vérification des billets par le personnel de bord.
Au petit matin, nous arrivons à Villa San Giovanni, à l’extrémité de l’Italie continentale. Il semble que le train qui nous précédait ait effectivement subi de nombreux problèmes puisque nous récupérons à cette gare des passagers en rupture de correspondance et nous sommes nous-mêmes retardés en attendant de pouvoir traverser.
Mais notre train embarque finalement, par voitures successives, sur un des ferries dédié à ces traversées. De nombreux passagers profitent de la vue incroyable sur le pont avant de regagner leurs cabines.
Bien qu’ayant déjà réalisé ce trajet, je trouve cette traversée toujours aussi géniale. Les images parlent d’elles-mêmes.
De nouveau sur terre, le train est réassemblé en deux convois à Messine : un train partant à Palerme, et notre train partant à Syracuse. En première classe, un petit-déjeuner est servi en cabine. En réalité, deux plateaux sont servis successivement : le premier avant que le train n’embarque, un petit-déjeuner classique avec des croissants sous vide et une brique de jus d’orange mais pas de café suite à une panne de la machine. Puis à Messine un deuxième plateau est déposé par une autre équipe avec cette fois-ci un expresso mais aussi une sélection généreuse et hétéroclite de snacks, comme des crackers apéritifs au romarin inattendus à cette heure mais qui seront de toutes façons bienvenus pendant le reste du voyage.
Jour 3 : Catane > Pozallo > La Vallette
Le ferry pour Malte part en soirée, ce qui laisse le temps de profiter un peu de la Sicile. Bien que l’Intercitynotte aille jusqu’à Syracuse, nous descendons à Catane. C’est l’occasion de profiter de la plage (assez vide en ce matin de septembre), et d’ailleurs d’y prendre une douche ce qui est un confort non négligeable après un trajet en train de nuit et à défaut d’avoir pris la cabine excelsior.
Reste ensuite à regagner Pozallo, port de départ du ferry pour Malte, en deux étapes. Avec dans un premier temps, un trajet en train régional pour Syracuse, assuré par un matériel assez récent (ETR-104) : ces rames, dont le pelliculage rappelle qu’elles ont été en partie financées par l’Union Européenne, sont confortables (bien que les sièges soient assez raides) et disposent d’écrans d’information voyageurs précis, présentant une carte en temps réel, la météo, les correspondances. Arrivé à Syracuse, la correspondance avant d’aller vers Pozzallo permet de visiter un peu la ville.
Pour la suite du trajet au départ de Syracuse, c’est le train régional à destination de Ragusa qu’il faut emprunter. C’est cette fois-ci un matériel plus ancien, une “Littorina” (modèle FS ALn 668) thermique, qui nous accueille avec également plus de cachet.
À l’intérieur et contrairement aux précédents trajets, il n’y a pas d’air conditionné et on rappelle que le port du masque FFP2 est toujours requis (ce sont d’ailleurs les derniers jours pour lesquels la mesure s’applique en Italie). Avantage de ce type de matériel, le contrôleur peut heureusement nous ouvrir les fenêtres.
Bien qu’il ne s’agisse sans doute pas du matériel le plus confortable affecté au trafic régional, le fait que les fenêtres s’ouvrent, que les suspensions et que l’insonorisation soient moins efficaces que les trains plus récents donne assurément du charme à ce trajet, avec une vraie “sensation” de voyager en train. D’ailleurs, je dirais que près la moitié de la vingtaine de passagers qui ont embarqué dans le train sont des touristes comme moi qui immortalisent ce trajet.
Il faut faire attention à ne pas manquer son arrêt car contrairement au précédent train, il n’y a évidemment pas d’annonces automatiques ni d’écrans d’information, notre convoi s’apparente presque à un “bus” sur des rails. L’avantage d’un petit matériel comme celui-ci est la proximité avec le personnel de bord que l’on voit passer souvent, et auquel on peut plus facilement demander des renseignements.
Arrivé à Pozzallo, la Littorina nous salue d’un coup de sifflet (de klaxon) en s’éloignant. Le port est à 40min à pied, autrement des taxis étaient présents à la gare à l’arrivée. Et sinon, la compagnie de ferries propose de son côté un service de bus depuis Catane directement vers le terminal.
La compagnie privée Virtu Ferries dispose de deux catamarans pour effectuer la liaison entre Malte et la Sicile, le Saint John Paul II et le Jean de la Vallette, c’est ce dernier qui assure le départ de ce soir. Virtu Ferries est jusqu’ici la seule compagnie à opérer cette liaison quotidiennement bien que de nouveaux opérateurs essaient se lancer (Ponte Ferries, Ragusa Xpress). Deux classes sont proposées aux passagers piétons comme aux conducteurs : la classe standard que j’ai pris et la classe Europa, avec un supplément de 15€ par personne, donnant droit à un embarquement / débarquement prioritaire, une place sur le pont supérieur et un jus d’orange de bienvenue.
Au terminal, nous croisons un passager allemand qui effectue lui-même le trajet en train / ferry depuis Hambourg, via la Suisse. Sinon, voir aussi le trajet depuis Londres. À l’image des pèlerins comparant leur lieu de départ pour arriver jusqu’à St Jacques de Compostelle, le trajet effectué depuis Paris est certes “honorable” mais paraît presque court à côté de l’évocation certains énormes voyages en train.
Arrivés par nos propres moyens au terminal, nous embarquons avant l’arrivée des navettes bus de la compagnie qui entraînent juste après nous une queue importante aux contrôles de sécurité.
L’intérieur du ferry ressemble à une grande cabine d’avion, il est composé de nombreux sièges et plusieurs bars qui servent aussi quelques snacks assez basiques. Les sièges situés à l’avant des rangées sont les plus prisés, avec un plus grand espace pour les jambes.
Il est possible de se déplacer sur le ferry tout au long de la traversée et d’accéder au pont arrière situé en extérieur, privilégié par les fumeurs, et duquel on aperçoit les côtes siciliennes. La traversée vers La Valette est relativement rapide, environ 2h soit le temps d’un TGV Paris – Bordeaux, et les secousses ne se font pas trop sentir. Une fois à quai le débarquement de tous les passagers traîne, avec une durée d’environ 45min soit près de la moitié du temps de trajet, les sorties du ferry étant assez étroites et les passagers piétons en classe standard passant les derniers. Arrivé à La Valette, l’île est desservie par de nombreux bus et taxis.
A noter, sur place, la liaison très riche entre l’Île de Malte et Gozo, avec des ferries rapides entre La Valette et Gozo, ainsi qu’une liaison par ferries depuis le nord de l’île de Malte. Cette liaison est active 24h/24 et propose des départs toutes les 30 minutes en heure de pointe, qu’il est même possible de suivre en direct (carte en temps réel des bateaux / caméras) directement sur le site du transporteur avec une information passagers très performante.
En conclusion…
Cette option de voyage en train et ferry semble difficilement entendable pour qui voudrait passer des vacances à Malte tout en optimisant son temps et son budget sur place. Quand l’avion met environ trois heures à relier les deux capitales, ce périple pourrait se réduire seulement à deux jours de voyage (en partant le matin avec le 1er train pour l’Italie depuis la France, puis correspondance ensuite le soir-même avec un départ vers la Sicile). Et concernant le coût, il faut bien compter au moins 350€ par personne pour effectuer ce trajet complexe, à comparer avec les prix très attractifs de certaines compagnies low-cost. L’argument écologique visant à éviter l’avion ne saurait donc être une motivation suffisante à elle seule pour la plupart des gens d’autant que les traversées en ferry ne sont pas neutres en émissions.
En fait, l’avantage principal à considérer pour cet itinéraire est surtout d’en faire une partie du voyage à part entière, à la mode “Slow Travel“. Au-delà de ne pas prendre le risque de manquer son prochain départ, le fait de prendre son temps avec un trajet assez étalé en termes d’horaires permet -un peu à l’image d’une croisière- de profiter de quelques villes sans trop s’y attarder, et de manger correctement au fil des arrêts : aperitivo à Milan, arancinis et cannolis en Sicile…
Au final ce trajet de près de 72 heures dans les transports ne s’est pas avéré trop fatigant ni inconfortable, au contraire, et il donne réellement le sentiment d’avoir traversé une partie du continent pour arriver à destination.